mercredi 5 décembre 2007
D'où viennent nos problèmes
Jadis…
Dans les années ’50, le maire Drapeau avait un rêve : une île, une ville… et un maire! Seize ans après son retrait de la vie politique et trois ans après sa mort, le Parti québécois au pouvoir réalisait son rêve.
Les fusions
À la fin des années ’90, le gouvernement du Parti québécois décide de remodeler la carte géopolitique de l’île de Montréal. Après avoir jonglé avec toutes sortes de scénarios (une île, trois villes; une île, cinq villes; etc.) le gouvernement adopte, le 20 décembre 2000, la «Loi portant réforme de l’organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l’Outaouais». Cette Loi édicte que le 1er janvier 2002, l’ensemble des 29 municipalités de l’île de Montréal ne formeront qu’une seule ville. Ce fut une fusion «forcée» dans le sens où les citoyens ne furent jamais consultés sur ce changement majeur.
Les arrondissements
Ce faisant, la Loi créait des administrations locales intermédiaires, soit 29 arrondissements ( dont 9 sur le territoire de l’ancienne Ville de Montréal), avec, chacun, un conseil d’arrondissement et un président. Les arrondissements obtenaient juridiction, entre autres, sur la culture (les bibliothèques et les Maisons de la culture). De plus, selon la Loi, le conseil d’arrondissement «peut négocier et agréer les stipulations d’une convention collective» portant sur quatre matières : le travail supplémentaire, l’horaire de travail, les vacances annuelles et les congés fériés et mobiles.
Une nouvelle Loi : un gros problème!
Les choses en étaient là lorsque, le 14 avril 2003, le Parti libéral du Québec fut porté au pouvoir. Tous se souviennent que Charest avait fait de la possibilité de «défusion» un de ses principaux cheval de bataille. Il tînt promesse.
Afin d’inciter les anciennes municipalités à rester «fusionnées», le gouvernement adopte une «Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal», le 18 décembre 2003. Les cadeaux que la Loi octroyait aux arrondissements, dont les anciennes banlieues, étaient nombreux : leur président devenait un maire avec les pouvoirs d’un maire, et ils avaient le pouvoir de «négocier et d’agréer» sur dix-sept matières (et non plus seulement quatre) dont : les comités de relations de travail, le comblement des postes, la mobilité de la main-d’oeuvre, le travail à forfait, les mesures disciplinaires, l’engagement et le congédiement des employés, la création et l’octroi des postes de cadres de l’arrondissement, etc.
Les «défusions»
Les référendums sur les «défusions» eurent lieu le 20 juin 2004 : malgré les cadeaux de la Loi de 2003, quinze anciennes banlieues ont voté pour redevenir autonomes. Maintenant, c’est une île, seize villes et c’est un Montréal, dix-neuf arrondissements…
L’érection en fiefs
Après les «défusions», la Loi de 2003 est demeurée en vigueur. Les arrondissements, et plus particulièrement les neuf arrondissements de l’ancienne Ville de Montréal, ont compris tout le parti qu’ils pouvaient tirer de leurs pouvoirs.
Et c’est à ce moment que le foutoir s’est installé car les arrondissements se sont érigés en autant de fiefs et depuis, chaque petit maire, avec l’aide de son conseil d’arrondissement, dirige sans partage au gré de ses caprices et de ses ambitions.
«La création d’arrondissements devait rapprocher la politique municipale du citoyen montréalais, mais c’est le contraire qui s’est produit : chaque maire gère pratiquement comme bon lui semble et les dérives des derniers mois, à Outremont ou ailleurs, ont démontré les lacunes de ce nouveau mode de fonctionnement. Il est temps d’apporter des corrections.»
Montréal, revu et corrigé, éditorial de Nathalie Collard, La Presse, 5 novembre 2007.
Un bon exemple de cela est le sort que l’on réserve aux travailleuses et travailleurs auxiliaires des bibliothèques (et, par ricochet, aux permanents).
L’enjeu : la mobilité
Les auxiliaires ont encore ce que les permanents ont perdu lors de la signature de la dernière convention collective : la mobilité-Ville. C’est l’entente E.V. 96-94 qui l’assure, entre autres par l’existence de la Banque réseau. Comme on le sait, l’entente E.V. 96-94 est toujours en vigueur et le sera tant et aussi longtemps qu’une autre entente ne l’abrogera pas.
Une brèche importante
Les arrondissements, désirant mettre fin à la mobilité-Ville des auxiliaires afin de mieux les contrôler à l’intérieur de leurs frontières, passent à l’attaque en 2006. L’arrondissement Mercier / Hochelaga-Maisonneuve convoque le syndicat pour renégocier l’entente E.V.96-94. Après une série de rencontres, l’arrondissement demande au gouvernement l’intervention d’un médiateur, ce que le gouvernement lui accorde. Afin d’acheter du temps, nous dit-on, notre syndicat signe, en juillet 2007, une «entente intérimaire», valable uniquement dans l’arrondissement de juillet à décembre 2007, entente ouvrant une brèche importante : dorénavant, il y aura dans cet arrondissement une petite banque réseau d’arrondissement. C’est l’introduction de la notion d’arrondissement qui pourrait signifier le début du casernement. C’est aussi l’émergence de la possibilité d’une coexistence de plusieurs ententes : une par arrondissement, pourquoi pas…
Les arrondissements tuent la Banque réseau
Par ailleurs, la Banque réseau de l’entente E.V.96-94 existe toujours. Mais la Loi de 2003 nous mène dans un cul-de-sac : car si c’est à la Ville de gérer la Banque réseau, c’est aux arrondissements qu’il revient, selon elle, de la financer, puisque la mobilité est maintenant de leur ressort. Or, les arrondissements, justement parce que la mobilité est de leur ressort, refusent de financer une Banque réseau gérée par la Ville, d’autant plus que celle-ci les prive d’une emprise totale sur LEURS travailleuses et travailleurs ! On en est là!
Il est temps que l’on se mette à jouer
Le but de cet historique n’est pas de décourager qui que ce soit, bien au contraire. C’est la connaissance des faits, des forces en présence et des enjeux qui permet de développer des tactiques et des stratégies valables et efficaces afin d’atteindre notre objectif : la préservation de notre mobilité-Ville et de notre ancienneté-Ville.
L’enjeu est important, sinon crucial. Et il n’y a pas que les auxiliaires des bibliothèques qui sont concernés, comme on pourrait le croire de prime abord. Une des priorités prioritaires de notre syndicat au cours de la présente négociation de notre convention collective est d’obtenir la mobilité-Ville pour les permanents qui sont casernés en arrondissement. Si les arrondissements obtiennent le casernement des auxiliaires des bibliothèques, que croyez-vous qu’il adviendra de la mobilité des permanents?
Il est vraiment temps que l’on se mette à jouer!