lundi 9 juin 2008

Humeur de K:Le bouse-o-thon


J'ai un ex-collègue qui étudiait en agronomie alors qu'il était aide-bibliothécaire auxiliaire. Pour ajouter quelques pécunes à son minable salaire, il avait inventé un petit jeu pour ses amis. Il divisait un champs en un damier du style tapis de roulette et y lâchait une vache. Les joueurs misaient sur une case et, selon l'endroit où le ruminant daignait laisser tomber sa bouse, gagnaient un lot ou perdaient leur mise. La croupe du bovin se transformait en croupière et le résultat de sa digestion était attendu avec un mélange d'espoir et d'inquiétude.

La vache est une créature éminemment sensible. Quiconque a déjà suivi un sentier de vache sait aussi qu'elle est doué d'un instinct très sûr pour trouver le meilleur chemin. Son amour de ses semblables s'exprime dans son caractère grégaire. Mais ces hautes qualités morales n'influencent en rien le caractère aléatoire de l'endroit où tombera la bouse. Les variables en causes n'ont rien à voir avec l'intelligence, le sens commun, l'empathie ou la morale sociale.

Mon ex-collègue (et ami) a créé en inventant cette roulette intestinale, une intéressante allégorie du mode décisionnel de notre univers schizophréno-municipal. Ainsi nous voici, attendant avec angoisse la prochaine décision qui, par gravité, nous tombera du ciel. Son caractère bénin ou malin relèvera de facteurs aussi imprévisibles que la gloutonnerie, la vanité et le capital politique à court terme.

« Une vache adulte produit en moyenne 12 bouses

par jour (environ 4 kg), ce qui constitue une mine d'or [...] »

Wikipédia

Si l'on pousse la comparaison, il y a cependant des différences notables. La bouse enrichit toujours le champ où elle tombe, alors que l'histoire a mainte fois montré que l'action de nos croupiers municipaux amène rarement des progrès. La vache broute l'herbe, mais donne du lait; retour sur l'investissement que ne rend pas souvent la caste endémique des décideurs métropolitains.

Dans le grand bouse-o-thon bureaucratique où se jouent notre qualité de vie et celle des services aux citoyens, on se prend à rêver que le bonheur est peut-être bien dans le pré...

K.

Des nouvelles de Rosemont


Les aides-bibliothécaires de la bibliothèque Rosemont ont appris, avec consternation, que trois nouveaux cadres seront embauchés dans notre arrondissement à titre de « Chefs de section - Bibliothèques. » Trois cadres de plus dans un seul arrondissement, ça me semble ÉNORME. L’arrondissement Rosemont-La-Petite-Patrie ne cesse de voir augmenter les besoins en services municipaux de sa population et aurait d’avantage besoin de nouveaux cols blancs que de cadres.

La bibliothèque Rosemont sera la première à être « analysée, gérée, contrôlée et évaluée » par la ou le nouveau gestionnaire. Son entrée devrait s’effectuer vers le mois de septembre. Il pourrait s’agir d’un ou d’une collègue de notre bibliothécaire responsable actuelle ou alors, d’une personne de l’extérieur qui, forcément, aurait besoin du support de notre bibliothécaire qui deviendrait alors bibliothécaire de référence ! Bonjour le malaise. À moins que l’on décide de la remplacer ou d’abolir son poste tout simplement. Nous sommes dans l’incertitude. Nous savons que notre syndicat ne représente pas les bibliothécaires mais nous pouvons nous demander si nous, les aides, nous seront protégés. Nos heures de travail n’ont cessées d’être diminuées et comprimées depuis janvier. Plusieurs remplacements ne sont pas comblés ou le sont partiellement.

Pour nourrir nos angoissantes questions, nous n’avons qu’à regarder ce qui s’est passé dernièrement dans l’arrondissement de Ville-Marie alors que des entrevues se sont tenues pour des postes d’aides-bibliothécaires sans que les postulants soient déjà dans le réseau des bibliothèques. La majeure partie des personnes reçues provenaient de l’externe. Le poste a été affiché mais est-ce qu’un bloc a été offert sur la banque réseau ? Non, parce que les postulants devaient être disponibles pour travailler en tout temps dans cet arrondissement. Ce qui leur permettra aussi, une fois embauchés, de se mettre disponibles sur la banque réseau.

Ce qui se passe dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve n’est pas plus encourageant. Si de plus en plus de bibliothèques se passent de la banque réseau pour combler leur besoin, comment les aides qui n’auront que quelques heures assurées pour l’été pourrons-t-il combler leur manque à gagner ? Alors que certains arrondissements peuvent s’échanger les employés pour des remplacements, l’arrondissement de Rosemont-La-Petite-Patrie continue de combler les demandes de remplacements par la banque réseau. Donc, notre possibilité de faire des heures dans le réseau continue de diminuer et l’arrondissement ne favorise en rien la mobilité interne de ses aides.

De plus, la création de la nouvelle bibliothèque devrait ouvrir de nouveaux postes qui seraient directement offerts sur la banque réseau, sans considération pour les employés déjà en place dans l’arrondissement.

En conclusion, bien sûr ça va mal dans plusieurs arrondissements côté bibliothèque mais ça ne va guère mieux dans les autres. C’est l’incohérence dans notre parcours professionnel, c’est la démobilisation des employés, lentement mais sûrement, un arrondissement à la fois. Bien que syndiqués, nous n’avons aucune certitude quand à notre possibilité de pouvoir continuer à travailler dans les bibliothèques avec un nombre d’heures acceptables. Et nous avons l’impression d’avoir de moins en moins de pouvoir pour nous défendre.

Mon point de vue est qu’il ne saurait y avoir un système de gestion des aides-bibliothécaires par arrondissement. Les conditions de mobilité et d’équité doivent être les mêmes pour tous sinon il y aura désolidarisation des employés et injustices flagrantes.

J’aimerais savoir ce que l’on peut et doit faire pour que cesse l’accroissement des chefs et la dissémination des indiens. Si les aides de chaque arrondissement continuent de vivre leur vinaigrette amère de manière isolée, les « gains majeures » ne veulent rien dire du tout pour les employés des bibliothèques. Qu’est-ce qu’il faut pour que notre syndicat impose le respect des travailleurs en bibliothèques?

Ouf !

L'origine des auxiliaires -première partie


En tant qu’auxiliaires, la nouvelle convention nous a permis de progresser vers la parité avec les permanents. Nous devons nous en réjouir. Toutefois, ne perdons pas de vue que nous n’y sommes pas encore. Pour apprécier le chemin parcouru et évaluer celui qui reste à parcourir, le colvert publiera une série d’articles consacrés aux auxiliaires. Voici le premier :

De l’origine des auxiliaires [1] .

Lorsque j’ai commencé à travailler en bibliothèque, je croyais qu’il en allait des auxiliaires et des permanents comme il en va des chenilles et des papillons : j’étais convaincu que, de toute éternité, les permanents avaient d’abord été des précaires. Si erronée qu’elle fut, cette croyance m’aidait à accepter ma situation larvaire : elle était dans l’ordre des choses.

Ce n’est que plus tard que je découvris l’origine des auxiliaires.

Au commencement, Drapeau créa Terre des hommes. Et Drapeau dit que l’auxiliaire soit ! Et l’auxiliaire fut ! L’Exposition universelle de Montréal en 1967, avec son énorme succès, nécessita une embauche massive de personnel. Ces travailleurs furent, en quelque sorte, les premiers auxiliaires.

En juillet 1968, la ville congédia six cent d’entre eux. Ils eurent beau protester de leur sort : leur cause était perdue d’avance puisqu’ils n’étaient pas syndiqués !

Ensuite, en mai 1969, le Syndicat signa une convention dans laquelle l’embauche des auxiliaires était encadrée et restreinte. La ville ne pouvait dès lors en embaucher que s’il y avait surcroît de travail et que pour une durée temporaire. Ceux-ci n’étaient toujours pas syndiqués et demeuraient donc des travailleurs jetables. La ville comprit rapidement les économies que ces précaires allaient permettre. En 1975, Le Col Blanc rapportait que le taux d’auxiliaires s’élevait déjà à 10 % ou 15% dans certains bureaux.

Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? En fait, ces premiers auxiliaires étaient dans une situation identique à celle de nos « étudiants » d’aujourd’hui. En effet, selon l’article sur le travail dévolu aux salariés de la dernière convention :

4.03c)L’Employeur peut utiliser, pour une période prédéterminée, les services d’un étudiant selon les dispositions prévues à l’alinéa 2.01 e).

Et que dis l’article 2.01e) ?

Étudiant : signifie tout employé embauché entre le 1er mai et le 15 septembre et qui doit retourner aux études à temps plein […]. L’étudiant n’est pas couvert par la présente convention collective […].

L’histoire serait-elle en train de se répéter ? Bien sûr, ces étudiants devront retourner aux études en septembre… Mais les premiers auxiliaires n’étaient-ils pas là pour une durée limité selon la convention de 1969?



[1] Les données historiques proviennent d’un article du Col Blanc : À la recherche de l auxiliaire perdu, Christian Houle, février 2000.

La parité vraiment


L’Assemblée générale du 29 janvier 2008 a entériné l’entente de principe portant sur une nouvelle convention collective pour les cols blancs de la Ville de Montréal.

Au cours de la période «interventions» qui a précédé le vote, des ténors syndicaux ont clamé haut et fort qu’il fallait voter en faveur de la convention parce qu’elle donnait la parité aux auxiliaires.

En ce qui a trait aux salaires et aux vacances, avaient-ils raison? Le salaire horaire est le même que celui des permanents, mais, pour la très grande majorité des auxiliaires, le revenu n’est pas le même. En excluant les rares «corpo», combien d’auxiliaires, qui le désireraient, font hebdomadairement 35 heures? Le salaire horaire est le même, mais le chèque de paie n’est pas le même et c’est avec le chèque de paie que l’on paie le loyer, non le salaire horaire. Pour ce qui est des vacances, peu importe le nombre de semaines, les revenus que l’auxiliaire reçoit sont en fonction de ses revenus annuels, non du salaire horaire. Avant de parler de parité, il faudrait peut-être d’abord s’entendre sur la signification du mot parité («le fait d’être pareil en parlant de deux choses», selon le Petit Robert).

Par ailleurs, la question se pose : le fait que les auxiliaires aient, avec cette convention, le même salaire horaire (et les échelons) et le même nombre de semaines de vacances que les permanent, est-ce un «gain» ou une simple correction d’une aberration trop longtemps tolérée?

Hormis les salaires et les vacances, les auxiliaires ont-ils atteint la parité? On nous a dit que les auxiliaires profitent de tous les avantages de la convention à part ceux desquels ils sont explicitement exclus. Outre la sécurité d’emploi, de quoi les auxiliaires sont-ils explicitement exclus dans la nouvelle convention?

Les auxiliaires ne peuvent muter, ni être promu, assigné, réassigné ou profiter d’une mise en disponibilité. Ils sont exclus des règles régissant les abolitions d’emplois et de postes, de l’application des horaires flexibles, des congés sans traitement et des congés à traitement différé. Ils ne peuvent profiter d’un congé sans solde s’ils briguent une élection (fédérale, québécoise, municipale ou scolaire) et leur emploi n’est pas protégé s’ils occupent un poste syndical (SFMM ou SCFP) à temps plein. Ils n’ont pas droit aux primes pour les heures travaillées en dehors de l’horaire normal (sauf les «corpo»), ni aux 14 heures additionnelles de mobiles s’ils travaillent le samedi ou le dimanche, ni au 50% additionnel à son salaire s’ils travaillent les jours fériés, ni au transfert des mobiles en vacances l’année suivante, etc. Et il y a, au bas mot, une dizaine d’autres exclusions!

Alors, y a-t-il vraiment parité?