mardi 9 octobre 2007

Un droit acquis


Lors de l’implantation du logiciel «Millemium» en juin 2007, les responsables se sont empressés de nous enlever la prérogative suivante : lorsque nous empruntions des livres, si nous étions en retard, nous ne payions pas d’amende du simple fait d’être un employé de la Ville de Montréal (code 243). Cette prérogative était-elle un droit acquis ou un privilège? Parce que si c’était un privilège, l’employeur peut l’abolir lorsqu’il le désire; mais si c’était un droit acquis, il ne peut l’abolir unilatéralement : c’est l’équivalent d’une clause de la convention collective.

Afin de répondre à cette question, il convient de se demander ce qu’est un droit acquis. D’entrée de jeu, un droit acquis est une notion jurisprudentielle, c’est-à-dire que ce droit a été élaboré par les juges et s’est développé au fur et à mesure qu’ils rendaient des jugements.

Grosso modo, selon les auteurs consultés récemment (juges et spécialistes du droit du travail), un droit acquis provient d’une pratique constante, généralisée et consciente de la part des parties pendant une période significative.

Maintenant, appliquons les critères du «droit acquis» au non-paiement des amendes pour retard :

· une pratique constante : lorsque la pratique du non-paiement d’amendes pour retard fut établie, elle fut appliquée de manière constante c’est-à-dire en tout temps (sans qu’il n’y ait de moments où elle n’était pas appliquée);

· une pratique généralisée : tous les employéEs de la Ville travaillant dans les bibliothèques détenaient cette prérogative, même qu’ils avaient toutes et tous un code spécial (243) qui amnistiait automatiquement les amendes;

· une pratique consciente : non seulement l’employeur nous donnait-il ce code spécial (243) mais encore, pour une très grande majorité d’entre nous, on nous l’expliquait lors des formations données par l’employeur;

· pendant une période significative : le non-paiement d’amendes pour retard remonte à au moins, sinon avant, l’implantation du logiciel Merlin, quelque part en 1992, c’est-à-dire pendant au moins 15 ans.

Nous sommes donc en mesure de dire que le non-paiement d’amendes pour retard est un droit acquis, selon les critères de la jurisprudence.

Pourtant, bien que fréquemment soulevé auprès des dirigeantEs de notre syndicat, il ne semble pas, à notre connaissance, qu’il y ait volonté de lever un grief à ce propos. Un détail me direz-vous… Un détail qui modifie nos conditions de travail. Et l’employeur accumule ce genre de détails parce qu’il sait, lui, qu’une accumulation de grains de sable forme un désert… La preuve : si ce n’était qu’un détail, pourquoi l’employeur l’a-t-il aboli unilatéralement?